Romain Feillu de A.. Z

Article paru dans La France cycliste hors-série de Février-Mars 2008 et retranscrit sur le Blog de Laetitia

Lauréat de la Coupe de France des Jeunes et vainqueur de 4 épreuves dès sa première année pro, Romain Feillu est la révélation française de la saison 2007.

Pour que vous puisssiez mieux le connaître, il a accepté un jeu original de questions-réponses en revisitant l'alphabet sur des thèmes soigneusement choisis... par son directeur sportif Emmanuel Hubert.
 

A comme... Agritubel

« Je pense qu'Agritubel est l'équipe idéale pour débuter chez les pros. Elle offre aux jeunes les moyens de s'exprimer dès leur première année. J'en suis le parfait exemple. Elle est la seule en France à évoluer en Continentale Pro. Elle n'a pas un long passé mais elle est ambitieuse et possède un fort caractère familial. Christophe Moreau en sera le leader l'an prochain. Ca signifie que pour la première fois, elle aura des ambitions pour le classement général du Tour de France. J'aimerais rester longtemps au sein de cette structure car j'y apprécie tous les coureurs, les directeurs sportifs... Partir demande de recréer quelque chose. Là, je connais tout le monde et j'ai la confiance des personnes qui m'entourent. Ce n'est peut-être pas une équipe Pro-Tour mais il n'empêche que l'on dispute des courses de ce niveau. On a couru Paris-Nice, la Flèche Wallonne, Liège-Bastogne-Liège, Paris-Roubaix, Paris-Tours et le Tour de France l'an passé. On a juste manqué le Dauphiné Libéré. Peut-être que ce sera pour cette année? Lorsqu'il y a des équipes ProTour au départ des épreuves, nous n'avons pas, nous formation Continentale Pro, à prendre la course en main. Cette charge leur incombe. La seule chose que nous devons faire, en fait, c'est de justifier l'invitation que nous accorde le Tour de France, montrer aux responsables d'ASO que nous avons bien notre place sur leur épreuve. »

B comme... Brice

« C'est mon frère, mon cadet d'un an. On est assez proche l'un de l'autre. Lui est encore amateur au CC Nogent-sur-Oise, mais j'espère qu'il va très vite me rejoindre chez les pros, pourquoi pas dès 2009. Brice est un grimpeur rouleur. J'ai couru l'an passé avec lui à Plumelec et au Tour du Limousin, deux épreuves qu'il a disputées avec l'équipe de France. On s'entraîne souvent ensemble l'hiver comme... cette année où on a passé un mois sur la Côte d'Azur. Mon rêve ce serait de courir dans la même équipe que lui chez les pros. J'aurais franchement mal d'être obligé de rouler sur lui si un jour il était échappé. Je rêve au contraire de l'aider à remporter des classements généraux sur certaines épreuves. Nul doute que lui, son souhait le plus ardent serait de pouvoir un de ces jours m'emmener un sprint! »

C comme... Châteaulin

« C'est ma première victoire avec le maillot d'une équipe pro sur le dos. J'avais déjà gagné à ce niveau mais c'était le Tour de la Somme en 2006 avec l'équipe de France Espoirs. Cette ouverture de mon palmarès pro m'a fait plaisir car c'était en Bretagne, devant un nombreux public. J'avais couru Plumelec la veille. J'avais de bonnes sensations mais je me suis retrouvé derrière. J'ai fait 150 bornes en veillant à en garder pour le lendemain à Châteaulin. Là, j'attaque au départ. Je suis repris et je me refais un peu dans le peloton en attendant le sprint qui se joue en bosse. Il y a eu une chute en bas avant l'arrivée. Moi je suis retombé dans les roues juste à temps. Je suis revenu avant le rond-point qui précède la bosse. Je n'ai pas freiné, je suis passé à bloc. Je suis arrivé franchement lancé. Je me souviens que j'ai doublé tout le monde. J'étais à gauche de la chaussé. J'allais plus vite que tous les autres. Je passe tout le monde en injection et j'ai pu conserver mon avance jusqu'au bout... Cette victoire m'a mis en confiance pour la suite de la saison. J'ai eu la satisfaction de battre Saïd Haddou et Leonardo Duque. Ca été une explosion de joie de cinq à dix secondes. C'est éphémère comme... instant. Je me suis dit, voilà, une course de gagnée, j'ai le potentiel pour le faire, maintenant on va essayer d'en remporter d'autres... »

D comme... dopage

« 2007 a encore été une année marquée par des affaires de dopage dans le vélo. Il y a eu Vinokourov, Kashechkin, Rasmussen aussi qui a joué pas mal. Le dopage, c'est le seul truc qui ternit l'image du vélo. Mais quel truc! Le vélo a tout pour plaire au public si on arrivait à endiguer ce fléau. Beaucoup de gens se battent pour que ce comportement disparaissent. Ils prônent d'autres valeurs, celles d'un cyclisme propre. Christian Prudhomme, le nouveau directeur du Tour de France, appartient à cette mouvance. Les coureurs eux aussi se mobilisent contre le dopage. L'étau se resserre de plus en plus pour les tricheurs. Le mouvement de grève initié par les coureurs français sur le dernier Tour de France pour exprimer leur ras-le-bol à ce propos est une bonne initiative. C'est quelque chose de bien, qu'il faut saluer. J'espère qu'à court terme on n'aura plus à parler de dopage dans le cyclisme, un sport qui est magnifique. »

E comme... entraînement

« En terme de quantité, je suis un coureur qui ne s'entraîne pas énormément. Par contre je fais beaucoup de qualité et d'intensité. Je n'ai pas besoin d'accumuler des heures et des heures de selle mais je « tape dedans » à l'entraînement. J'aime rouler seul, au maximum à deux. Ca fait une grande différence avec les coureurs qui sortent en groupe plus important. Quand tu es seul, ou à deux, et qu'il y a du vent, tu en manges obligatoirement. Si tu as décidé de faire une sortie à 33 de moyenne, tu es obligé de te faire mal. J'adore aussi faire des sprints à l'entraînement. J'ai besoin de relancer. Mes entraînements sont toujours intenses. C'est moi qui les gère en fonction de ma fatigue. J'improvise pas mal mais je note ce que j'ai fait pour avoir des points de comparaison d'une année sur l'autre. Je peux ainsi recaler une chose qui ne va pas, faire des essais... »

F comme... fémur

« J'ai eu un accident de la circulation en 2000. J'étais en scooter et je me suis fait faucher par une voiture à un stop. J'ai subi dix opérations sur mon fémur droit. Fort heureusement, aujourd'hui tout va bien. Mes deux jambes ont une longueur identique. Au début, j'avais quand même 21 mm d'écart entre les deux jambes! J'ai eu droit à pas mal d'opérations pour rééquilibrer ma jambe meurtrie au cours de l'accident. C'est peut-être grâce à tout ce que j'ai enduré à cette époque que j'ai la "gnac", l'envie de me battre, de me faire mal, de souffrir. Je sais ce que c'est que d'avoir mal physiquement autrement qu'en faisant du vélo.
Je n'ai plus de broche dans la jambe depuis 2005. Il ne me reste que quatre cicatrices sur le fémur. C'est une vieille dame qui m'a grillé la priorité. Elle était assez âgée. Elle avait un chien dans sa voiture. A l'intérieur de celle-ci, il y avait beaucoup de buée. Je ne peux pas lui en vouloir, un accident, ça peut arriver à tout le monde. C'aurait pu arriver à ma grand-mère. La seule chose que j'ai du mal à avaler, c'est qu'elle n'a jamais pris la peine de prendre de mes nouvelles, de savoir comment cela se passait pour moi...
Sur le vélo, j'essaye de me servir de cet accident, de ce moment de ma vie qui n'a pas toujours été drôle. J'ai souffert pour arriver où je suis, pour passer chez les professionnels. Ca me booste sans doute un peu. »

G comme... Grande-Bretagne

« J'y suis allé deux fois en 2007, pour le Tour de France et le Tour... de Grande-Bretagne! Ces deux épreuves ne m'ont pas mal réussi (il a terminé 5e de la 1er étape du Tour de France qui s'achevait à Canterburry et il a remporté le Tour de Grande-Bretagne, NDLR). Ce n'est pas facile de rouler à gauche là-bas, même sur son vélo. Je me suis fait quelques frayeurs à l'entraînement. Je ne parle pas encore l'anglais mais si ce pays continue à me réussir autant, pourquoi ne pas envisager d'aller y vivre pour disputer ses courses cyclistes (rires)! »

H comme... Haut-Var

« C'est une épreuve dont je connais le parcours par cœur. Ce sont mes routes d'entraînement l'hiver, mais en 2007 je suis passé à côté de la course. J'ai abandonné à mi-parcours environ. J'avais pourtant des ambitions au départ car c'était la 1re manche de la Coupe de France, trophée dont je m'étais fait un objectif. Je voulais marcher d'entrée mais je n'ai pas pu. J'ai monté les côtes moins vite en course que je ne le fais à l'entraînement. Je vais refaire le Haut-Var en 2008 et j'espère bien me reprendre. Je pense que c'est une course qui me convient. J'ai envie de la gagner. On verra bien. C'est vrai qu'en 2007 j'avais la pression sur cette compétition, mais en règle générale je la supporte bien. Je ne devais pas être dans un bon jour, tout simplement. Il y a de bons coureurs qui ont bâché en même temps que moi l'an dernier et cela aussi me rassure... »

I comme... irréductible

« Je ne sais pas si je le suis. Je ne le pense pas même si j'en donne parfois l'apparence. J'essaye de montrer que je n'ai pas peur, que je ne doute pas. C'est le sentiment que je veux donner des fois, mais je ne suis pas irréductible. J'ai des peurs comme tout le monde. Simplement, je tente de les dissimuler. Une chose est certaine, dans un sprint, je n'ai pas peur. J'arrive à « débrancher » le cerveau comme on dit. Il faut être un peu inconscient pour aller faire un sprint. Dans d'autres moments de mon existence, par contre, il m'arrive de ne pas être sûr de moi. Même avant de faire un sprint, mais une fois que celui-ci est lancé, tout s'estompe dans mon esprit. »

J comme... jambes

« Ah! les sensations, comme c'est bizarre. Tiens, avant le Tour du Haut-Var 2007, toute la semaine précédente, j'avais de bonnes jambes à l'entraînement. J'avais aussi l'impression d'être bien après la première difficulté, et après pffftt. Parfois, l'inverse, j'ai l'impression d'être à bloc en début de course et sur la fin de l'épreuve je ne suis pas mal du tout. Je peux être collé la semaine et super bien le week-end aussi. Les jambes, moi je dis, il ne faut pas trop les écouter. Et puis des fois c'est bon de ressentir le mal aux jambes. Si tu as mal, ça veut dire qu'elles sont là, qu'elles bossent! J'aime parfois me faire péter les jambes dans une bosse avec un gros braquet. Ca tire, brûle sur l'instant, mais en faisant cela tu sais aussi que c'est une forme d'investissement pour l'avenir. En fait, j'aime bien me faire mal aux jambes, j'y trouve même une forme de plaisir. C'est assez jouissif, la douleur à un moment donné se transforme en une forme de bonheur quand tu sens que tes jambes te chatouillent. C'est sympa comme truc. »

K comme... Kuota

« J'ai un peu réfléchi à cette lettre pendant que tu énumérais les autres et je me suis dit que cela allait être Kuota. Pas loupé! C'est la marque de nos vélos 2008. Ce sont de super vélos. J'ai des copains triathlètes qui m'en ont parlé. Ils disent que c'est le top, que rouler dessus c'est un vrai plaisir. Ce vélo, pour eux, est l'égal des Look en triathlon. En plus, on a monté un beau groupe dessus, de belles roues. C'est super. J'ai même acheté un VTT de cette marque. C'est un vélo à la fois rigide et confortable, aérodynamique et joli. Que demander de plus! Un pro, ce qu'il recherche dans un vélo, c'est l'efficacité. La beauté, c'est un peu accessoire. Là, il y a l'efficacité et la ligne, le top quoi. Je fais confiance à mes potes triathlètes quand ils me donnent des renseignements sur le matos car ces sportifs sont toujours à la recherche du dernier cri. Si eux sont contents d'un produit, nous les routiers nous le serons aussi. »

L comme... Lignières

« C'est mon village. Mes parents habitent à Lignières. Lignières, c'est la maison de famille dans laquelle je me sens bien. Quand je vais là-bas, je me repose et me ressource. J'y suis allé épisodiquement entre les courses l'an passé. Cela me fait du bien de retrouver la famille. En plus, je ne fais pas à manger le soir, j'ai juste à mettre les pieds sous la table! Je connais tout le monde dans mon village. On est 300 habitants et sans doute que je suis le plus connu de tous, avec le maire de la commune! J'ai beaucoup de soutien de la part des habitants de Lignières, y compris des messages de sympathie émanant du club de pétanque! Vivre chez mes parents, actuellement c'est ce qui me convient le mieux. Je suis tranquille. Je me consacre uniquement au vélo, à mon métier, sans avoir les soucis quotidiens à gérer. Je m'arrange avec mes parents, parfois c'est moi qui leur fais les courses. Comme je suis pas mal en déplacement, c'est bien d'avoir un point de chute comme celui-là pour me reposer. Je dors toujours dans ma chambre de môme. Au mur, il n'y a pas de posters. Ce n'est pas mon truc, c'est plus celui de mon frère... »

M comme... Mondial

« Je l'ai disputé deux fois. La première c'était en 2006 à Salzbourg avec les Espoirs. J'ai terminé avec la médaille d'argent autour du cou. Ma deuxième expérience, c'était l'en passé à Stuttgart chez les pros. Je n'étais pas dans un grand jour et mes jambes ont gonflé dès le 180e km. J'ai ressenti assez vite que je ne serais pas bien. J'ai néanmoins découvert l'équipe de France. Avec Voeckler, Fédrigo et Chavanel, l'ambiance était sympa. Ce serait bien de revivre de tels instants. Je continue à penser que dans un bon jour, j'aurais pu passer les difficultés. Que je pouvais faire quelque chose sur ce Mondial, pas gagner évidemment mais aller chercher une place. Quand je vois Philippe Gilbert qui termine 7e... Je sais que c'est un super coureur mais pas un super grimpeur non plus et sur ce circuit réputé difficile il aurait pu gagner... J'espère être de nouveau en équipe de France cette année. On dit que le Mondial sera moins dur que celui de 2007, j'espère donc y aller et être dans un grand jour comme à Salzbourg, en Espoirs et que la course se fasse à la pédale comme en Autriche. »

N comme... Néné

« C'est un coureur dont j'aurais pu avoir un poster dans ma chambre! Je l'ai découvert entre 1997 et 1998. Nicolas Vogondy, à cette époque, c'était le professionnel du Loir-et-Cher. Je l'ai vu quelques fois de près car il se déplaçait dans les écoles de cyclisme de la région. Je l'ai élevé au rang de « star » quand il a été sacré Champion de France sur route et qu'il a terminé 19e du Tour de France (en 2002, NDLR). C'est presque devenu une idole pour moi à cette époque-là. Le retrouver à mes côtés au sein de l'effectif d'Agritubel, pour mes débuts pros fin 2006, a été quelque chose d'intense.
Néné est un coureur abordable, simple et qui fait plaisir à voir. On fait souvent chambre ensemble. C'était le cas par exemple sur le Tour de Grande-Bretagne l'an passé. On était couché à 21h. On sortait de table à 20h15 au maximum. On avait parié que celui qui serait le mieux classé au prologue aurait le grand lit. C'est moi qui ai gagné! En Grande-Bretagne, je lui ai également dit: « Néné, je vais gagner Paris-Bourges et je vais finir parmi les dix premiers de Paris-Tours. » Il m'a répondu: C'est bien, « La Feuille », tu es ambitieux mais ça il faut le faire... » J'y suis arrivé!
On l'a critiqué, Néné, on m'a dit qu'il ne faisait pas le métier, qu'il ne roulait pas beaucoup... Moi je peux vous dire que c'est un vrai coursier, un pro consciencieux, je souhaite à tous les néo-pros de tomber sur un gars comme lui au début de leur carrière. Il donne toujours le bon conseil mais il ne se met jamais en avant. Il ne dira jamais j'ai fait cela, gagné ci, gagné ça. Il a su rester simple. »

O comme... Olympique

« Les Jeux cela doit être encore plus fort qu'un Mondial sur route! Mais à Pékin l'ai est assez irrespirable, il y a beaucoup de pollution. Ce n'est pas quelque chose qui plaide en ma faveur. Je n'ai pas de très grandes capacités respiratoires. J'ai du mal à gérer l'altitude et la pollution. Je dois être honnête par rapport à cela, sincère. Pékin ne paraît donc pas adapté pour moi. En plus, c'est juste après l'arrivée du Tour de France, au début du mois d'août. Si je finis le Tour, je pense que je serais assez fatigué. L'enchaînement Tour de France-Jeux Olympique me semble assez difficile. Je pense qu'il me sera plus aisé d'enchaîner Tour de France et Championnats du Monde... même si une participation aux Jeux Olympique ça doit être une chose à nulle autre pareille, avec la présence de tous les sports et les quatre ans d'attente entre les rendez-vous. Je pense néanmoins que je me concentrerai plus sur les jeux de 2012... à Londres. Tiens, tiens, comme on y revient! »

P comme... poids

« C'est quelque chose qui varie chez moi. Je ne prends pas trop de poids pendant l'hiver, mais en saison je peux le faire changer en fonction des objectifs à réaliser. Je peux par exemple perdre deux kilos sans problème pour une course qui a un relief assez accidenté. Et après, si je dispute une épreuve qui demande de la force, qui peut se terminer au sprint, j'ai aussi la faculté de pouvoir reprendre du poids. Sachant cela, mon poids de forme oscille entre 60 et 64 kilos. Pour grimper, je mange moins de « lent », quand je suis un peu plus « léger » dans les bosses, je le ressens vite. Et quand je veux faire des épreuves pour les sprinters, je veille à bien nourrir le muscle. J'adapte en fait mes régimes alimentaires en fonction des courses que je vais disputer. Sans effort dans un sens ou dans un autre. J'arrive à tirer de petits bénéfices en opérant de la sorte. Manu Hubert fait d'ailleurs comme moi. Et en ce moment, il est très fort dans les descentes, mais il grimpe moins bien! »

Q comme... quai

« Au train et à l'avion, je préfère la voiture. On est plus libre lorsqu'on voyage en voiture. Moi, je branche mon lecteur CD, je mets le régulateur de vitesse, et hop, ça roule... Comme je n'habite pas à côté d'une grande ville, prendre la voiture c'est plus pratique. Cet hiver par exemple, je suis allé dans le Sud en voiture. J'ai mis 7h30 pour un voyage de 910 km. C'est royal pour moi. Je mets tout dans ma bagnole, ma valise, mon vélo,... C'est ma maison à moi en somme! Avec ce moyen de transport, je me rends aussi à Dives-sur-Mer, en Normandie, où ma grand-mère possède une maison. J'y installe mon QG aux mois de mai et de juin. C'est le top pour être tranquille et aller rouler. Ca fait trois que je fonctionne comme ça. C'est au bord de la mer, calme. Il n'y a personne. Les routes sont vallonnées, cela me change un peu, c'est bien. »

R comme... Rigueur

« Je suis assez rigoureux. Je fais attention à la diététique, au sommeil. Je veille aussi à bien m'hydrater, à mettre les jambes en l'air chaque fois que je le peux. Je suis très attentif à mon hygiène de vie. J'essaye de manger des protéines, de la nourriture qui nourrit le muscle, mais aussi pas trop gras quand je suis en période course. Je ne vais pas courir les fast-food quelques jours avant une compétition par exemple, je préfère manger des aliments comme les lentilles. Je ma couche aussi tous les soirs à 22h au maximum et je me réveille à 7h, 7h15 sans avoir besoin de réveil. Je suis un couche tôt, lève tôt. Lève tôt, d'ailleurs, je l'étais un peu trop au Qatar, en 2007, lors de ma première course chez les pros. J'étais tellement excité que je réveillais aux alentours de 4h, 4h30 du matin. Je ne dormais que quelques heures par nuit... »

S comme... sprints

« J'adore ça, je prends plaisir à frotter. J'ai toujours aimé la vitesse, que ce soit sur un vélo, sur un scooter ou en voiture. J'aime bien me taper de temps en temps des petites bourres. J'adore faire des sprints à l'entraînement. Le sprint, ça fait partie de ma culture. J'ai aussi des muscles qui sont faits pour ça. J'aime le côté incertain du sprint. Dans un emballage massif tu peux être en tête à dix mètre de la ligne et te faire battre. Tu peux aussi être archi-battu à 150 m du but et la porte s'ouvre devant toi. Une vague gêne les autres et au final c'est toi qui vas gagner. Le sprint, c'est vraiment un truc à part. Aller vite ça me plait, actuellement j'ai une Seat Ibiza TDI 100 chevaux. J'aime parfois passer vite dans certains endroits tout en respectant le code de la route, prendre des virages en faisant crisser les pneus par exemple. Avoir une Porsche, ce doit être un truc de dingue. C'est une belle « chiotte » (sic), mais cela coûte cher aussi. Peut-être qu'un jour j'aurai les moyens de m'en payer une, qui sait? Mais j'ai une démarche écolo aussi, car je suis sensibilisé par l'avenir de la planète, et une voiture comme... celle-là c'est du 15 à 20 litres d'essence brûlés pour cent kilomètres. Cela pollue donc beaucoup. Moi, ma voiture actuelle, elle fait du 5 litres aux cent. Alors, une Porsche, je ne sais pas si j'en aurai une un jour. »

T comme... Tour de France

« Ce n'est pas la course que je voulais faire en début de saison 2007. Le Tour de France, je trouvais génial de suivre ça à la télé, mais trois semaines de courses ce n'est pas rien. Cela fait un peu peur quand tu es un jeune coureur, néo-pro. J'ai finalement pris le départ du Tour et j'ai fait une semaine. J'ai vu le public qu'il y avait au bord des routes, c'est hallucinant. Le Tour touche tout le monde, pas uniquement les passionnés de cyclisme. C'est vraiment une épreuve à part dans la saison. Tu peux gagner cinq, six manches de Coupe de France dans une année, personne ne te connaîtra mis à part les spécialistes du cyclisme. Mais si tu gagnes une étape du Tour, alors là tu rentres dans la grande fenêtre médiatique. Il n'y a qu'a regarder Sandy Casar cette année!
En réalité, j'avais le Tour en tête en 2007, mais je me disais que c'était un truc de fou. Il y a 22 équipes au départ, avec pour chacune d'elle 9 places. C'était loin d'être gagné pour moi. Dans mon esprit, une belle saison 2007, c'était une année marquée par des participations à Paris-Nice, la Flèche Wallonne, Liège-Bastogne-Liège et les manches de Coupe de France. Cela aurait déjà été une bonne première année à prendre chez les pros. Finalement c'est allé encore plus vite pour moi avec cette sélection sur le Tour. J'ai connu une belle année. Je commence en attaquant sur le Tour Med, Paris-Nice, le Critérium International et au mois de mai- début juin, je gagne ma première course. Sur mes cinquante premiers jours de course chez les pros, j'avais trente places parmi les dix premiers. A partir de ce moment, je me suis dit que tout pouvais arriver, y compris une participation au Tour de France. »

U comme... utopie

« Ce n'est pas mon truc, l'utopie. Au contraire, j'ai les pieds bien ancrés sur terre. Je connais mes possibilités, mes limites, et je ne rêve pas. Je sais que je ne pourrai jamais gagner le Tour de France, mais espérer remporter des étapes sur cette épreuve, oui, c'est possible. Je connais ma valeur. A partir de là, je ne rêve pas à des choses inaccessibles pour moi. Moi, je suis plutôt du genre à cibler les objectifs que je sais pouvoir atteindre. »

V comme... Var

« Ma grand-mère possède un terrain dans le Var. Elle a un petit mobile-home, une sorte de chalet sur un terrain. J'en ai acheté un à mon tour. Je trouve que le sud de la France est un endroit idéal pour la pratique du cyclisme. Je venais déjà en vacances dans cet endroit quand j'étais « p'tiot ». Je connais les routes du coin par cœur. Le climat y est extraordinaire. J'y ai passé pas mal de temps cet hiver sans voir une goutte de pluie. J'y ai aussi croisé un Américain qui était le voisin de George Hincapie à New-York. C'était assez drôle comme rencontre. Le Sud c'est aussi ma grand-mère. Elle a 76 ans, mais est encore très autonome. Elle vient ici toute seule avec sa voiture. Elle me suit aussi très fréquemment sur les courses, quasiment tout au long de la saison. C'est l'une de mes premières supportrices avec mes parents, et aussi Michel Heulin et son épouse. Ma grand-mère, s'il faut faire trois à quatre cents kilomètres pour aller me voir courir, elle n'hésite pas. Elle prend sa voiture et elle y va... »

W comme... Wallonne (Flèche)

« C'est une course que je pense être capable de gagner. J'espère même y parvenir assez rapidement. Pourquoi pas espérer jouer la victoire dès 2008! J'ai lâché prise de bonne heure l'an passé, mais dans un très grand jour, je pense pouvoir réussir sur cette épreuve, avec cette arrivée sèche au sommet du mur de Huy. C'est dur là-haut, peut-être un peu long pour moi, mais j'y crois. C'est une course qui me fait rêver. Lorsque je m'entraîne dans les bosses, je m'imagine parfois dans Huy. C'est dire ma motivation. Pour moi, c'est la course de Davide Rebellin, un coureur qui a une force de rein extraordinaire. Liège-Bastogne-Liège aussi me fait rêver, mais je pense que je dois encore attendre avant d'avoir des ambitions sur cette classique. Il y a également Paris-Tours que je pense pouvoir gagner. Je connais les routes de cette classique par cœur. J'y ai été encouragé comme jamais cette année. J'y avais plein de panneaux d'encouragement. Le parcours va sans doute changer un peu l'an prochain, mais quoi qu'il advienne, Paris-Tours restera la grande course, la grande classique qui se déroule à côté de chez moi! »

X comme...X (victoires)

« Je ne sais pas combien de victoires j'aimerais aligner en 2008. J'espère en avoir au moins autant qu'en 2007, voir même plus. On a souvent tendance à dire que la deuxième saison est toujours plus dure que la première quand on obtient des résultats, mais moi cela fait deux ans que je marche, depuis 2006 en fait! Alors pourquoi ne pas attendre de belles choses de 2008? Si je pouvais gagner quatre nouvelles courses cette année ce serait bien. Mais si je n'en obtiens qu'une seule et que c'est une étape sur le Tour de France, il est bien évident que je prends aussi. Comme il est clair et net que j'accepte aussi de ne pas connaître la victoire en 2008 pendant de longs mois... si c'est pour finalement m'imposer au terme de Paris-Tours, la dernière course de la saison. Ces deux scénarii me conviennent tout à fait. »

Y comme... yoga

« J'aime bien me concentrer au départ des courses. J'avais une chanson que j'écoutais en boucle sur mon MP3 en début de saison, c'était un tube d'Aretha Franklin « I say a little prayer ». Sinon, pour me calmer, j'aime aussi écouter la musique du Grand Bleu. Je fais aussi pas mal d'étirements, et bizarrement les moments où j'en fais le plus, c'est lorsque je suis en forme. J'ai fait beaucoup d'étirements sur le Tour de Grande-Bretagne et j'avais de bonnes jambes. Un bon étirement, ça peut faire aussi mal qu'une grosse sortie à vélo. Quand on prend son temps pour les faire, cale tire et ça engendre de la douleur. Quand je me sens un peu moins bien, je relâche un peu. Laisser retomber la pression, remarque, parfois c'est bien aussi.
J'ai aussi une position favorite dans le bus de l'équipe, c'est l'une des deux places devant, à côté du chauffeur, pour recevoir les deux petits rayons de soleil. J'aime être au calme avant le départ d'une course. Néné est comme moi. On est en fait l'inverse de Nicolas « Jaja » ou d'Emilien-Benoit Bergès qui sont très volubiles avant le départ d'une compétition. Eux, ils ont vraiment besoin de parler tout le temps. »

Z comme... zazou

« Je ne connaissais pas l'expression. Mais bien évidemment que cela m'arrive de faire le zazou, le fou-fou. Je suis même un peu double face! Autant je peux être hyper sérieux, autant je peux faire le fou à mort. Je n'ai pas trop de juste milieu. Je ne fais pas le dingue en course, mais plus souvent chez moi. Je suis d'un aspect calme en apparence, surtout quand je ne connais pas les gens, mais une fois que je suis en confiance, cela m'arrive de me lâcher. »


Alphabet de Manu Hubert, propos recueillis par Hervé Bombrun